Le passeur d'âmes

Le monde des vivant est une minuscule bulle de lumière perdue dans l'immensité ombrageuse de la mort. Une vie de mortel n'est qu'un instant bref, si bref, à l'échelle du temps de l'univers. Seuls une petite membrane sépare les deux mondes, sans cesse traversée par les esprits de ceux qui ont rendu leur dernier souffle. Parfois certains morts restent coincés dans le monde des vivants ou dans sa périphérie proche alors qu'ils n'aspirent qu'à plonger dans les profondeurs de l'au-delà. C'est pour ces âmes un grand tourment, interminable, qui voit passer génération après génération de mortels (et même d'immortels) sans pouvoir s'apaiser. En comparaison de cela, les grands bonheurs et malheurs des vivants sont bien dérisoires.

Voilà ce sur quoi Willy avait médité toute la nuit précédente. Heureusement, certains individus avaient le don de percevoir la présence des esprits prisonniers et pouvaient les aider à se libérer. Willy était l'un de ces passeur d'âmes, une vocation qu'il s'était découverte suite à de tragiques événements de sa vie de mortel, et qui guidait les nuits de sa nouvelle existence de non-mort. Souvent, il suffisait de choses simples pour désentraver le passage du défunt vers l'autre monde : rendre un dernier sacrement au défunt, faire apparaître un indice permettant de faire la lumière sur les circonstances du décès, achever une tâche banale que le défunt n'avait pas eu le temps de terminer avant de trépasser. Willy s'occupait de faire ces choses-là, dans la mesure du possible. Il y avait de quoi faire.

Parfois aussi, Willy aidait un vivant à trépasser, quand il sentait que c'était ce à quoi il aspirait. Ce soir-là, il revenait sur les lieux où il avait œuvré deux nuits auparavant, pour vérifier que tout était en ordre. Il y avait eu là un vieil homme abandonné par sa famille, rongé par la maladie, désormais trop faible pour bouger de son lit. Cela faisait plusieurs jours qu'il dépérissait, sans avoir mangé, et qu'il faisait sous lui. C'est d'ailleurs à cause de l'odeur que Willy l'avait remarqué avec ses sens surdeveloppés par les pouvoirs de l'augure. Il avait crocheté la porte et avait trouvé l'homme dans son lit, qui ne semblait plus attendre qu'une chose... Willy la lui avait donnée en aspirant une bonne partie de son sang (pas tout, évidemment, pour éviter d'attirer une attention malvenue). Il était resté un peu dans l'appartement et avait senti la présence de l'esprit du vieillard qui venait de mourir. Il ne lui en voulait pas, il lui en était même reconnaissant, Willy l'avait senti. A priori cet esprit ne tarderait pas à quitter ce monde, en paix.

Malgré tout, ce soir-là, Willy voulait vérifier que tout allait bien. En montant l'escalier de l'immeuble, il sentit que le corps était toujours là, que le lit n'avait pas été lavé. Personne n'avait encore remarqué la mort du vieux du deuxième. Il faudrait sans doute que quelques jours passent encore et que l'odeur se fasse plus forte pour que les voisins remarquent quelque chose. Willy décida d'accélérer les choses : une fois sur le palier, il sortit un pied de biche de son sac à dos et s'en servit pour forcer la vieille porte usée de l'appartement. Puis il entra et vida quelques tiroirs, mit du bazar pour donner l'impression d'un cambriolage. Ça obligerait les voisins à venir voir ou à appeler la police. Le corps serait découvert plus vite et cela éviterait que l'âme du défunt soit inutilement tourmentée.

Willy ressortit en laissant entrouverte la porte forcée. Il descendit l'escalier tranquillement (et en toute discrétion, fondu dans les ombres), sortit dans la rue et partit dans la nuit avec le sentiment d'avoir accompli du bon travail.

La nuit était belle sur Chicago ce soir là … D'une beauté que seul ceux qui luttaient à la fois contre et avec la mort pouvaient concevoir. Le nuage de pollution qui couvrait la ville était toujours là, masquant les étoiles et brouillant la lune. La vie suintait de la ville, son coeur résonnait fort dans les boites de nuit, et la buée de chacune de ses respirations recouvrait tout d'une fine poussière noire et collante. Chaque personne était une petite cellule maintenant tout le corps en vie. La vie était présente dans chaque centimètre carrés de la ville. Même les morts avaient du mal à mourir devant tant de de vie.
Si il y a un dieu quelque part, Dieu que la vie est belle. En soit, elle est belle.
Et ce n'était pas si étonnant que ça pour une minuscule bulle de lumière perdue dans l'immensité sombre et ombrageuse de la mort. La lumière n'est jamais aussi éblouissante que quand elle est seule à tenir face aux ténèbres.
Et Willy était en train de marcher dans une des veines de cette grosse boule pulsant de vie.

Il était en train de se balader dans une ruelle isolée, un peu au hasard de ses pas, quant depuis une bouche d'égout, une voix féminine demanda: « Mr Ham ? C'est bien vous Will Ham ? »
la voix était faible, grasse et sifflante, comme appartenant à une jeune fille soufrant de Phtisie. Dans l'intervalle entre la bouche d'égout, le Malkavien pouvait distinguer le reflet brillant de deux yeux. Chose étrange, l'un d'eux paraissait bien plus gros et arrondi que l'autre.

Willy s'arrêta net, interloqué, en entendant quelqu'un l'appeler par son nom complet, son nom d'état civil, lui qui se faisait surtout connaître par son diminutif et s'imaginait présentement être invisible en errant dans les rues de la ville.

En se retournant, il vit deux yeux inégaux qui luisaient dans l'ouverture d'une bouche d'égout. Ça sentait le Nosferatu. Ça sentait un peu les égouts aussi, mais il paraissait que les deux allaient souvent de pair. Sir lui avait parlé de cette lignée de Caïnites difformes, affectionnant ce genre de lieux. Willy n'en avait jamais croisés, mais il se souvenait d'un film avec un vampire un peu comme ça, alors il avait une petite idée de ce à quoi ça pouvait ressembler. Ils formaient un clan très discret et aussi très bien informés. Des spécialistes de l'espionnage. C'était déjà moins étonnant qu'il ait été repéré et qu'on l'appelle comme ça, Will Ham.

Willy était interloqué, mais pas effrayé. S'il courait un danger, il l'aurait probablement senti. Cela n'empêchait pas qu'il n'était pas plus à l'aise pour parler à une inconnue dans les circonstances présentes que dans n'importe quelles autres. Aussi répondit-il avec difficulté, en balbutiant très lentement, avec l'air d'examiner avec attention le mur d'à coté :

« On... m'appelle. Willy. »

Ce n'était ni oui, ni non, mais pour lui ça valait pour un acquiescement.

Spoiler:

Si Willy en croyait ses sens. Il n'y avais rien de dangereux, ce qui ne voulais pas dire qu'il n'y avais rien d'inquiétant.
Il était seul dans la ruelle, si on excluait la fille des égouts. Il entendait des éclats de voix aux loin, mais pas suffisamment fort pour en saisir le sens. Les plus proches êtres vivants devaient donc se trouver à plus de trois kilomètres. Contre sa peau, il sentait la température descendre d'un demi degrés, et la pression atmosphérique appuyait légèrement sur ses lèvres. Il allait pleuvoir cette nuit, mais pas avant que le soleil ne commence à réchauffer la nuit. Son nez était envahis par une odeur de gel hydro-alcoolique et de parfum bon marché. Derrière ces odeur se trouvait celle plus douceâtre du début de la putréfaction. Dans la bouche d’égout, les deux yeux venais de s'éclairer en même temps que les pupilles du Malkavien venais de s'écarteler.

Spoiler:

La jeune fille a l'oeil écorché repris, toujours de la même voix humide. Son haleine sentait le souffre.
« D'accord. Willy. Je note. On a un problème avec un esprit récalcitrant.Voila l'adresse. Vous pouvez vous en occuper ? »

Par la bouche d’égout, une main d'une blancheur immaculée, au grain de peau aussi fin que de la porcelaine et aux ongles entretenus avec soin et goût, mis a part qu'il manquait celui du petit doigt, apparue. Elle dépassait d'une manche de cachemire blanc crème, et portait un petit papier plié en deux. En transparence, Willy pouvais lire l'adresse qui était notée sur la Face intérieure: "Chicago Academy High School, Sur Austin Avenue."

La créature à l'allure (plus ou moins) de jeune fille ne ressemblait pas vraiment à l'image que Willy se faisait d'un Nosferatu, même si elle portait assurément quelques difformités. Et elle sentait plus le souffre que les égouts.

Willy pencha la tête sur le côté, comme pour voir son interlocutrice sous un autre angle. Il s'approcha en tendant la main vers le bout de papier au bout de la frêle main... de poupée écorchée. Il saisit la petite note.

Comme se parlant à lui-même, il demanda : « On a un problème... »

« On ? » Avec la bouche il fit une sorte de grimace : « Qui est... on ? »

Il pencha la tête de l'autre côté, l'air de faire un grand effort : « Vous... Nous... Ils ? »

La jeune femme répondit avec un naturel assez étrange vis-à-vis de la situation:
« Je n'ait pas beaucoup plus d'informations. Cette école est très importante pour nous, et quelque choses dans les souterrains protège son territoire. Il nous faut ce territoire. Vous serez payés bien entendus: 1000$, 500 maintenant et 500 une fois l'école redevenue tranquille. Cela vous conviens t'il ? »

En la regardant de plus prés, Willy n'en tira pas grand choses de plus/ Il s'agissait simplement d'une jeune femme blonde extrêmement jolie, si on excluait sa paupière arrachée et les plaie ouverte qui courait sur son visage et probablement sur son corps. Une poupée de porcelaine écorchée, c'était exactement ça.

« Intéressant, » dit Willy en regardant cette fois en l'air.

Oui, si c'est bien une histoire de fantôme, c'est très intéressant. Il faut que j'aille voir de plus près pour savoir. Et peut-être m'occuper de cette petite mission.

« Je vais... y aller. Voir.  »

Ce « nous » non défini le gênait tout de même un peu. C'était sûrement un travail pour la Camarilla, certes. Il imaginait mal les Anarchs le recruter pour un boulot, encore moins le Sabbat. Mais tout de même, était-ce une mission pour le prince, un primogène, un clan ou un vampire en particulier ?

« Qui... veut ce territoire ?  »

Au moment où il accepta le travail, une seconde main apparue, tendant une petite liasse de billets. Elle était tout aussi blanche et soignée que sa jumelle, mis à part quelques écorchures.

Après lui avoir laisser l'adresse et son premier payement, elle lui répondit:
« Nous sommes loyaux à notre Primogène, et donc loyaux à la Camarilla, si c'est ce qui vous inquiète. Bonne chance. »

Puis, elle disparu dans les égouts. Très vite, Willy n'arriva plus à la suivre à l'oreille: Les échos des tunnels brouillaient sa position exacte. Ce qui était sur, c'est que le son s'éloignait.
Très vite, il se retrouva de nouveau seul dans la ruelle.

Willy récupéra le papier avec l'adresse et le petit paquet de billets bien ficelés. Il allait se forcer à parler encore, même si cela l'obligeait à un pénible effort, pour poser d'autres questions à la Nosferatu, peut-être même discuter des termes de l'arrangement, mais elle avait déjà disparu. Il ne lui avait même pas demandé son nom. Tout ceci était bien contrariant, et il resta un bon quart d'heure dans la ruelle à ruminer sa contrariété. Puis ses pensées revinrent sur l'histoire de sous-sol hanté et il reprit son chemin, concentré sur cette autre question, maintenant plus urgente.

La nuit n'était pas trop avancée et Willy pensait pouvoir faire un premier repérage dès le soir-même. Il fit le chemin à pied, en guettant une éventuelle proie assoupie dans un recoin de rue. Autant ne pas avoir les veines trop vides ce soir.

Spoiler:

Coup de chance sur la route: un clochard assoupi, dans une ruelle sombre et isolée. Il ne se réveilla même pas quant Willy préleva quelques gorgées à son cou.

La Chicago Academy était un lycée assez classique, en brique beiges délavées. Le bâtiment s'étendait sur trois étages, avec un bâtiment principal et deux ailes, une au nord et une au sud. A l'arrière du terrain encerclé par une clôture en fer forgé: un terrain de football. Prés de l'aile nord: un parking.
Le bâtiment se trouvais au milieu des quartiers résidentiels de la classe moyenne de Chicago: des milliers de maisons bâties sur les huit même modèles, différenciées uniquement par leurs couleurs.

A cette heure tardive, les rues étaient désertes. Il devais rester une ou deux heures avant le lever du soleil.

Willy arrivait repu sur les lieux de sa mission. Trois étages de bâtiment, avec deux ailes et quelques aires goudronnées, le tout clôturé. Et la nuit était désormais bien entamée. Pour ce soir il se contenterait d'un premier tour d'observation, ensuite il irait se chercher une cachette pour la journée dans le quartier, afin de pouvoir entrer dans le vif du sujet tôt la nuit suivante.

Il fit le tour du grillage à la recherche d'une ouverture, avec l'idée de faire un tour complet du bâtiment tous les sens aux aguets, avec une attention particulière pour tout ce qui pouvait venir de son sous-sol.

Spoiler:

Se déplaçant dans les ombres comme le fantôme qu'il recherchait, Willy fit le tour du lycée à la recherche d'éléments supplémentaires que ses sens surnaturels auraient pu lui apporter. Il repéra un barreau démis dans la grille, un peu à coté du parking: Peut être un bon moyen d'entrer. Par contre, Il ne vit rien ayant un quelconque rapport avec le sous-sol. L'entrée était probablement à l'intérieur. Il y avait quelques caméras, mais rien d'insurmontable.

Une fois son petit tour fini, il trouva un refuge plutôt facilement: Une plaque d'égout patinée menant à un vieux labyrinthe de tunnels, déconnectés du réseau actuel. Ça puait le territoire Nospheratu, mais étant donné qu'ils avaient engagé le Malkavien, il serais mesquin de lui tenir rigueur pour un petit squat.

Durant son tour du lycée, Willy nota mentalement l'emplacement des différentes issues qu'il repéra dans le bâtiment. Il fit aussi un relevé des caméras, afin de déterminer où pouvaient se trouver des angles morts qui lui permettraient de passer sans être filmé. Il examina l'épaisseur du grillage et tenta d'évaluer s'il avait une pince assez grosse pour entamer le grillage, si pour approcher sous le meilleur angle il lui fallait le découper.

Spoiler:

Après cela il se trouva une planque à peu près potable. Il y passa la journée dissimulé dans un recoin difficilement accessible, une cavité sous une ancienne canalisation où il y avait tout juste la place pour une personne. La nuit revenue, il se leva de bonne heure et reprit la direction du lycée.

Le système de sécurité était celui d'un Lycée public, pas celui d'une prison. Aussi, il n'y avais pas vraiment de problèmes pour entrer dans le Lycée: Willy en voyais au moins quatre.

En se levant le lendemain, il savais exactement par où passer pour entrer dans les bâtiments sans se faire voir des caméras.

Spoiler:

Il pénétra donc dans les lieux sans difficulté, fondu dans les ombres, passant par une fenêtre mal fermée pour entrer dans la bâtiment. Il entreprit dans un premier temps de vérifier qu'il n'y avait pas d'autres caméras à l'intérieur.

Ensuite, puisque c'était semble-t-il au sous-sol qu'il y avait quelque chose à régler, il partirait à la recherche d'un passage vers les niveau inférieurs de l'école. Il était curieux de savoir quel genre de fantôme se trouvait sur place et quel pouvait être son problème.

Spoiler:

Il n'y avait pas de caméra à l’intérieur. La banlieue était assez tranquille pour que le lycée ne soit pas hyper sécurisée.
L’intérieur de l'école était assez classique: Des couloirs, des salles de classes, des casiers, une cafétéria un peu merdique. Classique donc.

Willy ne mit pas très longtemps à trouver un passage vers les sous-sols. Ici aussi, c'était plutôt classique: Un escalier qui descendait dans un enchevêtrements de débarras et de vieilles salles de stockage. Au bout d'un couloir se trouvait une chaufferie. Il n'y avait rien de bien particulier dans ces sous-sol: on en faisait vite le tour.
Cependant, chose surprenante: Willy s'y sentait étrangement bien et en sécurité. Il avait l'habitude des caves hantées et des lieux souffrants de vieilles blessures, et le seul point commun entre tous était la sensation de malaise qui se condensait avec la proximité du monde des morts et des vivants. Et pourtant, cette proximité ne faisait aucun doute.

Willy fit le tour du sous-sol sans rien en tirer d'autre que la certitude qu'il s'agissait bien d'un domaine fréquenté par un fantôme. Mais le sentiment de félicité qui en exhalait allait à l'encontre de ce que le médium malkavien connaissait... Se pouvait-il qu'il se trouve dans la demeure d'un fantôme heureux de hanter les lieux ?

Il lui fallait trouver d'autres indices sur l'esprit qui habitait ou fréquentait les lieux, ou attendre qu'il se manifeste. Palpant les murs, tous les sens aux aguets, Willy entreprit de refaire le tour du sous-sol, s'efforçant de voir si la sensation qu'il ressentait en ce lieu était plus forte à un endroit qu'à un autre, où s'il remarquait la moindre trace qui pourrait lui donner un indice utile.

Ce n'était pas une question d'endroit, mais de temps. Pendant une bonne dizaines de minutes, Willy fit le tour de la cave, palpa les murs, gratta le sol, renifla l'air, écouta le silence et scruta la pénombre.

Il n'avait même pas eut le temps de commencer à connaître l'endroit sur le bout de doigts quant, soudainement, un profond sentiment de douleur et de frustration le submergea. Sur sa droite, une ampoule éclata dans une gerbe d'étincelles. Le vampire cru entrevoir fugacement une silhouette devant lui quant il sentit un choc à l'intérieur de sa poitrine le projeter en arrière.
Sans ressentir la vibration dans ses tympan, il entendit une voix aiguë, probablement celle d'un enfant, hurler:
« DEGAGE ! C'EST MON ENDROIT A MOI !! »

Malgré ses sens accru, il ne ressentait pas de douleur dans les tympans. Il était secoué, à un point qui aurait probablement provoqué une catatonie chez un autre. Mais le Malkavien n'en était pas a sa première voix qui hurlait dans sa tête.

Le premier contact venait d'être établi. Assez violemment. Willy en aurait eu le souffle coupé s'il en avait encore eu un. Le hurlement lui résonnait encore dans le crâne et lui laissait dans la tête une sensation de tissu déchiré.

Il lui ne fallut toutefois pas trop longtemps pour reprendre ses esprits, tant la situation devenait passionnante.

« Oui. C'est ton endroit. »

En présence d'un fantôme, il arrivait à s'exprimer sans la gêne qu'il ressentait avec les mortels ou les non-morts. Mais il parlait de façon posée, pour bien faire entendre ses mots.

« Je suis venu te voir. Dans ton endroit. »

Ce soir-là, apparemment, il lui fallait amadouer un enfant.

« Moi c'est Willy... Et toi ? »

Après le cri déchirant que Willy venais de littéralement prendre en pleine tête, le silence avait quelque chose de presque obscène. Cela dura une douzaine de secondes après que la voix du vampire ait cessé de résonner dans la pièce. Puis, un léger bruissement, comme si la pièce prenait une inspiration.
Le second cri fut moins violent. Soit l'entité était plus fatiguée, soit le médium commençait a s'adapter.

« PERSONNE NE VIENS ME VOIR ! C'EST MON ENDROIT !! MON ENDROIT !!! »

Le bruissement se fit à nouveau entendre et la voix reprit de plus belle, peut-être même plus fort que la première fois:

« JE ! VEUT !! QUE !!! TU !!!! PARTE !!!!! »

Pas de choc, juste le silence. Cependant, Willy ressentait une douleur relativement vive a l'oreille. Il ne saignait pas, et ne saignerais plus jamais, mais il lui semblais que son tympan droit venait d'être déchiré par la puissance du cri. Cependant, il était certain que le cri avait résonné uniquement dans sa tête. La voix était toujours aussi infantile, mais elle commençait à prendre une sonorité rauque, râpeuse et crissante.

Spoiler:

Un enfant en colère. Il ne veut pas partager son endroit. Il crie très fort. Ça fait mal aux oreilles.

« Je vais partir... Mais je dois te parler. »

Malgré la douleur résiduelle dans l'oreille de Willy, le degré de violence semblait diminuer.

« C'est ton endroit. Mais... »

« D'autres viendront. »

« Peut-être... des méchants. Nécromanciens. »

Willy scrutait l'obscurité devant lui, à la recherche d'une éventuelle forme fantomatique.

« Moi... je suis venu. Pour parler. »

« T'aider. »

Willy fit une pause et regarda tout autour de lui.

« Tu veux bien ? »

« Qu'on soit amis ? »

Spoiler:

L'alternance entre silence et hurlements avait un coté rythmique presque hypnotique. C'est pour cette raison que la fin de ce rythme laissa une impression désagréable a Willy.
Après quelques instant de silence, Le Médium perçu un souffle plus qu'une voix. L'esprit parlais d'une voix faible, difficile à entendre et rauque. C'était comme si il avait perdu une partie de sa voix à trop hurler, qu'il manquait cruellement de souffle.

« J'ai pas … Besoin de toi pour me … Défendre …… J'ai besoin de … Personne …… »

Puis le silence, encore. Pas de forme fantomatique, rien.

Willy avait commencé à se balancer d'avant en arrière. Il se demandait s'il valait mieux lasser l'esprit tranquille pour cette nuit, ou au contraire profiter de ce qu'il semblait se calmer un peu pour en apprendre un peu plus sur lui. Assurément il pourrait revenir plus tard avec quelque chose pour amadouer l'esprit, mais pour tomber juste il lui fallait bien en savoir un peu plus sur lui...

« Je suis... pas venu. T'offrir ma protection. »

« Mais... »

« Pour devenir... ton ami. »

Il lui fallait peut-être préciser encore un peu les choses.

« Je suis... »

« L'ami des fantômes. »

Le silence était désormais presque surnaturel. C'était comme si, à l’exception de cette cave, le monde entier n'était que vide et ténèbres.

La voix s'éleva à nouveau, un peu plus distante, mais également plus tranquille, moins essoufflée:

« Personne ne veut être l'ami des fantômes. Personne sauf les enfants et les fous. »

Enfin une discussion semblait s'installer entre Willy et son futur nouvel ami.

« Fou... »

Il avait prononcé le mot d'un air particulièrement pensif.

« Les gens... disent que je suis fou. »

« Mais... les fous c'est eux. »

« Moi je sais... »

Il hocha de la tête comme pour s'acquiescer à lui-même.

« Je le sais bien. Les fantômes existent. »

« Depuis longtemps je le sais. »

Il se tut un instant et reprit avec désormais un air de conteur.

« J'étais petit. Mon frère était un fantôme. »

« Et les fantômes ont toujours été mes amis. »